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Thierry GUILLOU : « Avant chaque match, nous pesons les adversaires »

Directeur de l’Académie KPC en Guinée Conakry depuis avril 2021, Thierry Guillou s’épanouit à détecter et former les futurs talents du football local. Un challenge excitant pour le technicien français grâce à une organisation digne des plus grands clubs. 

Pourquoi avoir choisi la Guinée et le projet de l’Académie KPC?
L’Académie appartient à Monsieur Kerfalla Camara, le propriétaire du Hafia FC, club historique de Guinée qui a notamment remporté trois Ligues des Champions africaines. Son investissement est colossal pour la jeunesse du pays et je suis heureux de faire partie de cette aventure. Ajouté à cela que je ne m’inscrivais pas dans un projet déjà établi mais dans la construction de ce dernier car nous sommes vraiment partis de rien. Professionnellement, je trouvais cela enrichissant et je ne me suis pas trompé.

Vos quatre premiers mois ont d’ailleurs été consacrés au recrutement...
Exactement. Sur cette période, nous avons observé 6018 joueurs du pays nés en 2009 et 2010 pour finalement en retenir 24 afin de constituer la première promo de l’académie en septembre 2021. Un an plus tard, nous avons enrichi notre effectif de 7 joueurs et créé une cellule de recrutement constituée de 4 personnes. Cette saison, une nouvelle grande détection nationale sera organisée dans le but d’ouvrir une deuxième promotion pour la génération 2011 et de poursuivre le développement de l’Académie.

Combien de temps accueillez-vous ces jeunes talents ?
L’idée est de les accompagner sur 5 ou 6 ans afin qu’ils intègrent à terme l’équipe première du Hafia FC, qui participe régulièrement à la Ligue des Champions. Pour les talents les plus précoces, nous souhaitons qu’ils soient amenés à se diriger vers les meilleurs clubs européens.

L’Académie KPC, en quelques mots?
Il s’agit d’une structure bâtie sur 13 hectares avec toutes les commodités nécessaires pour bien travailler : terrains synthétiques, salles de classe, dortoirs, bâtiments médicaux… Nous sommes aujourd’hui reconnus par la Fédération comme une “académie d’élite”. Seulement trois le sont en Guinée mais les deux autres ne travaillent pas sur les mêmes années d’âge. Partis d’une feuille blanche à mon arrivée, sans précédents, tout est mis en œuvre aujourd’hui pour répondre aux exigences du haut niveau.

6018 joueurs observés pour finalement en retenir 24 afin de constituer la première promo de l’académie

Avec notamment un staff fourni et de qualité.
Nous sommes six à travailler pour former ces gamins. J’ai trois adjoints, un préparateur physique (voir par ailleurs) et un entraîneur des gardiens. Nous avons aussi un kiné et un médecin à disposition. Au niveau scolaire, nous pouvons compter sur des enseignants salariés de l’Académie qui enseignent aux cinq niveaux de classe différents.

L’une des particularités de la Guinée réside dans le fait que les compétitions de jeunes n’existent pas. Comment remédiez-vous à cela ?
Pas de compétitions mais aussi pas de licences et aucune vérification des âges ! Pour pallier ce manque, nous jouons deux fois par semaine face à d’autres académies du pays et clubs informels. Pour les équipes, nous fonctionnons au poids étant donné que certains de nos adversaires ont deux ou trois ans de plus que nos pensionnaires… Nous avons une équipe U42 kilos et une autre U52 kilos. Avant chaque match, nous pesons les adversaires pour nous assurer que cette règle est bien respectée.

Quelles sont les qualités naturelles du jeune footballeur guinéen?
Les appuis et la capacité à éliminer en 1 contre 1. Ici, les enfants sont éduqués aux 4 contre 4 et 5 contre 5 dans la rue. Les espaces réduits et les dribbles sont plus démocratisés qu’en France. Cela génère aussi quelques manques au niveau de la vision du jeu voire même de la frappe au but. Heureusement, nous les récupérons assez tôt à l’académie pour combler les manques que cela génère. Malgré un potentiel certain, la Guinée manque encore de structures de formation pour révéler des talents.

Quelle est la principale différence avec la formation française?
On retrouve une certaine souplesse qui n’existe pas chez nous. Il y a moins de contraintes liées à l’école, aux familles ou encore à l’occupation des terrains. Ici, on s’entraîne presque deux fois plus qu’en France car les enfants sont internés dès leur plus jeune âge, ce qui offre l’opportunité de faire les choses avec plus de flexibilité.

Voir autre chose que la France était donc un bon choix?
Ce n’est jamais facile de quitter l’Hexagone, un pays reconnu comme celui de la formation dans le monde. Il faut du courage pour prendre le risque de sortir de sa zone de confort mais je suis très content d’être là où je suis. Ma famille m’a rejoint sur place. Je trouve beaucoup de plaisir dans l’expatriation. Il faut simplement être sûr de son coup et du projet dans lequel on s’engage.

Alexandre Minal, l’autre “frenchie” de l’Académie KPC 

Arrivé lui aussi à la naissance du projet, Alexandre Minal est aujourd’hui préparateur athlétique de l’Académie KPC. Une suite logique pour celui qui avait déjà connu une expérience similaire en Afrique, à l’ASEC Mimosas. 

Mettre en place une méthodologie athlétique en corrélation avec les besoins de chaque promotion, les profils, les exigences du haut niveau et le projet de jeu, tel est le quotidien d’Alexandre Minal. Ajouté à cela la supervision de la réathlétisation des joueurs et la forma- tion des entraineurs guinéens à la préparation physique, l’homme qui a débuté à Lyon-La Duchère vit à un rythme soutenu. “Avant la Guinée, j’ai eu l’opportunité de partir pour une formidable aventure en Côte d’Ivoire, à l’ASEC Mimosas. J’y ai vécu une année exceptionnelle.” Marqué par la passion et l’engouement que suscite le football en Afrique, l’homme de 33 ans voit en ces jeunes pousses un message d’espoir : “l’investissement et l’implication des enfants est remarquable ici, beaucoup plus importante qu’en France. Ils ne rechignent jamais au travail et se donnent toujours à 100 %. Ils ont envie d’améliorer les conditions de vie de leur famille à travers leur réussite footballistique. Pour eux, c’est une énorme motivation.” 

“METTRE UN POINT D’HONNEUR À FORMER DES ENTRAÎNEURS EN GUINÉE” 

Comme si tout cela était retranscrit lors de chaque match du Syli, l’équipe nationale de Guinée. “Chaque rencontre est vécue comme une fête et chaque victoire comme un événement incroyable. Tout le peuple est aux couleurs du Syli et de la Guinée. Les gens sont vraiment heureux ! Ils chantent, dansent et font la fête…” D’ici quelques années, certains internationaux seront certainement passés par l’Académie KPC, plus que jamais investie d’une mission de formation. “Une nouvelle promotion de jeunes joueurs va voir le jour la saison prochaine. De plus, nous souhaitons mettre un point d’honneur à former des entraîneurs en Guinée pour leur permettre d’avoir de bonnes bases et de travailler efficacement.”

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